Bilitis – Film en Blu-ray DVD édition collector – Avis Critique

Pourquoi Bilitis a fonctionné en 1977 ? Certes, il est toujours facile d’analyser à posteriori le succès d’un film qui a dépassé le million d’entrées en France (plus de 1,4 millions de places de cinéma pour être précis) mais on peut toujours, surtout à la lumière de cette réédition en Blu-ray, essayer de comprendre l’engouement des jeunes femmes de 1977 pour ce film. Puisque tout cela est subjectif, voici dans un désordre assumé (subjectif, je viens de l’écrire) quelques-unes des raisons du succès de Bilitis. Bernard Giraudeau est beau comme un demi-dieu, il est lumineux, il interprète son rôle avec une générosité et un bonheur communicatif : combien de spectatrices sont tombées amoureuses de lui ? Le scénario et les dialogues ont été écrit par Catherine Breillat (avec la participation de Jean-Louis Roncoroni) en donnant ainsi toute sa sensibilité féminine et sa justesse au film : combien de spectatrices auraient adoré prononcer ces répliques ? La musique de Francis Lai très douce et très féminine est une réussite totale absolument envoûtante que vous connaissez d’ailleurs certainement même si vous n’avez jamais su qu’il s’agissait de la bande originale de Bilitis : combien de jeunes femmes ont mis et remis à l’infini le 33 tours de Bilitis sur leur tourne-disque ? Patti d’Arbanville a 25 ans lorsqu’elle interprète le personnage de cette étudiante prénommée Bilitis et elle est déjà une star pour toute une génération grâce à ses films précédents mais essentiellement grâce à la chanson Lady d’Arbanville de Cat Stevens qu’il écrivit pour elle durant leur relation amoureuse : combien de jeunes femmes ont fredonné les paroles My Lady d’Arbanville dans les années 70 en retrouvant ensuite avec délice leur icône dans Bilitis ? Le scénario du film correspond bien aux tourments des premiers émois amoureux d’une jeune femme puisque Bilitis, l’héroïne qui donne son nom au film, est tiraillée entre son désir pour une étudiante ou pour Bernard Giraudeau ou pour une épouse délaissée par son mari : combien de spectatrices se sont projetées dans ce choix troublant ? Et c’est là, oui là, que Bilitis devient, à mon avis, important et générationnel puisqu’une jeune femme de 1977, Bilitis, vit sa bisexualité faisant fi de l’ordre moral et de la bien-pensance : il y a avec Bilitis une vraie émergence de l’homosexualité féminine qui sera dès lors assumée et affichée avec, notamment, les posters de Bilitis trônant désormais au-dessus des lits et bureaux des alcôves de ses spectatrices. L’érotisme très sage et très féminin de Bilitis sera évidemment une des raisons majeures du succès du film puisque les images s’abstiennent de toute vulgarité pour dévoiler avec douceur des instants délicats d’amours entre femmes magnifiés par une sensuelle lumière tamisée semblable à celle utilisée par David Hamilton dans ses photographies. Le très beau livre rédigé par Marc Toullec qui accompagne le Blu-ray (ou le DVD) dans son édition collector rétablit ici une vérité car Bilitis n’est pas le film d’un seul réalisateur mais il s’agit d’une sorte de co-réalisation de David Hamilton et Alain Nahum et Henri Colpi ; je me permets d’ailleurs de vivement vous conseiller la lecture de ce livre très érudit qui approfondit, entre autres, ce point. Ainsi, film pluriel, au sein de ses rapports entre les protagonistes, Bilitis fait beaucoup penser à l’approche très féminine des films d’Éric Rohmer ce qui est là aussi sans doute une des autres raisons du succès de Bilitis auprès des jeunes femmes de 1977. Ces mêmes jeunes femmes qui ont dû aussi succomber aux charmes de Mathieu Carrière qui joue impeccablement son rôle en étant destiné à être offert par Bilitis à Melissa, l’épouse délaissée, car Bilitis a attribué à Mathieu Carrière la fonction d’homme “consommable” pour femme qui évoque avec un clin d’œil du destin son futur personnage de gigolo de luxe dans La Femme Flambée. Là, oui encore là, les scènes avec Mathieu Carrière jouent sur l’ambivalence du désir LGBT puisque ce très beau jeune homme qui a dû troubler beaucoup de spectatrices est suivi partout en permanence par 2 marins musclés échappés d’une bande dessinée de Tom of Finland dans un beau geste cinématographique quasi surréaliste. Et tout cela fonctionne encore parfaitement maintenant ! Le film n’a pas pris une ride car, hasard ou nécessité, les décors extérieurs sont tous neutres temporellement : une plage, un château, une terrasse de café, une maison bourgeoise, la forêt… Et surtout, Bilitis n’a pas pris une ride car son sujet principal est toujours aussi actuel et prégnant dans notre société : la libre détermination de ses choix amoureux pour une jeune femme qui affirme ses droits d’aimer qui elle veut, quelqu’un du sexe opposé ou du même sexe !