Stuck Rubber Baby – BD gay culte – Avis Critique

Attention : cette bande dessinée a déjà été publiée en 2001 sous son titre français Un monde de différence aux Éditions Vertige Graphic. Ce préambule étant écrit, la réédition actuelle de cette BD publiée sous son titre original Stuck Rubber Baby par les Éditions Casterman bénéficie d’une préface et d’une postface très documentées et très intéressantes. Ainsi, même les détenteurs de l’édition originale peuvent être séduits par cette réédition très bien imprimée et accompagnée de textes, photos et dessins particulièrement enrichissants pour la compréhension de l’œuvre de l’auteur Howard Cruse.

Chaque case-histoire est un Polaroïd brut du quotidien

Lorsque l’on commence ce récit (je n’avais pas lu la première édition de 2001), on est tout d’abord happé par la densité informative de chaque page car presque chaque case est une histoire à elle toute seule ! Et presque chacune de ces case-histoire interpelle notre humanité ! Car chaque case-histoire est un Polaroïd brut du quotidien des années 60 dans le Sud des États-Unis en faisant le récit de la faiblesse des hommes dans leurs haines stupides ou dans leurs quêtes amoureuses éperdues. La bande dessinée s’articule en effet autour de l’homophobie et de la ségrégation raciale.

Totalement contemporain dans ses thématiques

À ce stade, il est bon de préciser que cette bande dessinée est, certes, une fiction mais elle s’inspire de faits réels de la vie de l’auteur et d’expériences vécues par ses relations ou d’autres personnes ainsi chaque morceau de la BD est bien le récit d’une réalité. Hélas, cette réalité est intemporelle. L’histoire de Stuck Rubber Baby, témoignage du rejet de l’homosexualité par une partie de la société, n’appartient malheureusement pas à un passé révolu comme viennent de le démontrer les récents évènements en Hongrie. Quant au racisme, il est lui aussi toujours présent aujourd’hui (à l’évidence, il est inutile de détailler ce point). Ainsi, même conceptualisé dans les années 60 au Sud des États-Unis, le récit de la bande dessinée est totalement contemporain dans ses thématiques tout en décrivant des agissements abominables qui se sont vraiment déroulé il y a une cinquantaine d’années.

Le récit sait rester très humain

Sur des sujets aussi lourds, le récit sait rester très humain et touchant grâce à la sincérité de l’auteur qui instaure une véritable proximité entre son héros (son double) et le lecteur ou la lectrice. C’est bien la sincérité des propos qui donne une véritable âme à cette bande dessinée en la rendant particulièrement humaine. Les dessins participent à cette humanisation du récit car Howard Cruse a créé son propre style d’illustrations entre la ligne claire et les naïfs haïtiens avec une inspiration de Tom of Finland. Précisons ici que si Howard Cruse montre sans détour les relations amoureuses homosexuelles dans sa bande dessinée, l’auteur s’abstient simultanément de toute représentation sexuellement explicite.

Une relation amoureuse avec une femme

L’intelligence de Stuck Rubber Baby est de ne pas se contingenter aux rapports homosexuels du héros mais de dépeindre également sa relation amoureuse avec une femme qui aboutira à la naissance d’un enfant. Pour les amateurs de Madeleine de Proust (je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître), l’auteur relate en détails ses consultations du magazine Playboy et son culte (justifié) pour Hugh Hefner. Ces précisions sur la narration me permettent ainsi de vous confirmer que Stuck Rubber Baby est une bande dessinée qui passionnera un lectorat plus large que la simple sphère gay.